Il y a l’aventure familiale et puis le voyage intérieur : creuser la nature humaine minutieusement et sans affect, observer les motivations en soi-même les réactions et les peurs, et tenter de se transformer, d’être un peu moins lourd, moins égoïste, moins laid. Tout un programme.
Pour cela il faut oser aller au-delà des contractions et de tout ce qui est mensonger. Il faut aussi se libérer des conflits et de la souffrance pour découvrir la beauté et l’amour. Il y a tant de choses à couvrir, à découvrir et à comprendre. Mais rien de tout cela ne nous a été expliqué. On nous a abandonné à l’école de la république pensant que le système allait faire le boulot, nous éduquer n’est-ce pas ? On a appris des trucs bien sûr, mais on n'a pas appris grand-chose.
On s’est ensuite fait engloutir dans la vie bien trop tôt, trop vite, sans armes, démuni. On a vite perdu nos illusions aussi. On a compris qu’on s’était bien fait avoir. On a constaté que ce qu’on nous avait raconté ne valait pas grand-chose. C’était juste du bourre mou, de la flûte péruvienne et des simulacres. Mais la vérité était toute autre. On a alors dû se débrouiller tout seul, tâtonner, se faire avoir comme des cons, comme nos parents. Tous les grands discours sur l’amour et les valeurs, les traditions et les coups de triques n’ont fait que révéler la nature hypocrite et conditionnée de l’individu.
L’autorité parentale n’est que violence et contradictions. C’est l’école du mensonge et du conformisme. Ça commence par le père noël, et puis Jésus Christ. On découvre très tôt que le mensonge est la norme. On ne leur en veut même pas, pauvres bougres. Ils ont eux aussi succombé aux idéologies et aux autorités en tout genre. Ils étaient bourrés de peurs et de crédulité voilà tout. On aurait tout de même préféré plus d’honnêteté, plus d’humilité et moins de stérilité en tout.
Et puis on se retrouve à l’âge mûr bien coincé devant l’existence, bien paralysé, espérant. On rêve de tant de choses, incapable d’être de l’instant présent. On fuit la vérité de ce que l’on est devenu : petit, mesquin et égoïste. Même l’espoir d’un ailleurs autrement est un leurre, que les religions organisées exploitent à merveille.
Le plaisir prend ensuite le relais. On s’invente une nouvelle idéologie en plus des autres : la quête incessante de sensations. L’hédonisme devient un moyen de fuir et d’anesthésier l’esprit critique pour ne plus sentir rien. On soulage son stress existentiel à grands coups de cigarettes, alcools, sexe, excès de travail, de sport et de tout ce que vous voudrez. Tout y est prétexte et tout ce que l’on semble toucher engendre un nouveau problème pour soi et puis pour les autres. C’est tout à recommencer…
Le monde est au bord des larmes, en permanence. Plus rien ne semble avoir de sens à part bosser, gagner du pognon, et peaufiner sa petite carrière à deux balles. Il y a aussi le culte de l’entreprise et de l’entrepreneuriat : être chef de ceci ou de cela, œuvrer pour la mondialisation et le grandiose écroulement du monde. Et puis un jour on se réveille et on comprend qu'on est devenu vieux. On est resté con, endurci et figé comme une âme morte. On est même devenu un peu plus con qu’auparavant. Mais il est bien trop tard pour reconsidérer quoi que ce soit. On se prépare déjà au cimetière. On voudrait des funérailles confortables, des violons, de la mascarade, encore et encore…
Il est pourtant possible de trouver du sens dans la vie. Il est possible de se sentir légitime, authentique, vertueux et honnête. On n’est pas obligé de faire semblant, et de toujours regarder ailleurs. On n’est pas obligé de colporter ses bobards. Il faut être un peu sérieux tout de même, retrouver la curiosité, et ne pas être uniquement centré que sur soi. Il faut aussi abandonner les croyances et les certitudes, car n’aident en rien à y voir plus clair. Il faut avoir un peu d’humilité aussi, et le sens de la vérité.
Il est alors impératif de s’arrêter de courir après les ombres et de privilégier la lumière. On se contente trop vite d’une petite vie bien conforme aux attentes. On est vite à accepter son statut, son image et son rôle. On n’est pas très exigeant au fond, on se contente du minimum syndical. On regarde ce que font les autres, on se compare et puis on copie. On se nivelle dans la médiocrité voilà tout. Ce n’est pas bien compliqué n'est-ce pas ?
Alors on essaie de se dépasser dans tout ce qui permet l’évitement et qui offre la possibilité de se raconter des choses pour avoir des choses raconter, pour se sentir un peu plus grand. Mais le terrain des opérations se trouve bien ailleurs. On ne bosse pas là où il faudrait. On se trompe de combat. C’est bien dommage.
Les seules découvertes qui vaillent viennent de l’intérieur. Elles nous apprennent à observer et puis à écouter aussi, attentivement. On peut alors voir toute la laideur en soi et l’abandonner en chemin, d’un simple revers de la main. On peut alors voyager le cœur léger, et ça fait toute la différence.
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