Le HPI : fantasme ou réalité ?

Il semblerait que les adeptes du développement personnel et les psys se soient emparés du sujet des hauts potentiels intellectuels. Ils entendent capitaliser sur cette notion vague de l'individu précoce. Plus un espace sans qu’on ne nous parle de ces individus caractérisés par des attributs particuliers. On les considère trop intelligents pour être épanouis, et trop différents pour avoir des relations harmonieuses. Cette glorifiante stigmatisation à outrance n’aide en rien à mieux comprendre un phénomène lié à une époque narcissique. Mais de quoi parle-t-on au juste ?
Il est question d’avoir un certain coefficient intellectuel, qui peut se traduire par un "potentiel" pour certaines aptitudes. Cela ne permet en rien d’affirmer avec certitude que les talents spécifiques seront au rendez-vous. On attribue à ces "hauts potentiels" des QI supérieurs ou égaux à 130, soit environ 3 % d'une population au-dessus de la norme. Soit. Les tests d’intelligences réalisés par des spécialistes sont basés sur des épreuves permettant d’évaluer ce score de QI, et sont donc là pour évaluer le fonctionnement cognitif global. Cependant ils n’éclairent en rien la personnalité de ces individus.
Nous avons en France ce culte de l’intelligence académique. Nous aimons fabuler sur les émotions et la personnalité de surdoués ou de précoces. Les pseudos traits de caractères spécifiques aux "PI" comme l’hypersensibilité ne sont en rien fondés sur des études psychologiques. On retrouve néanmoins des sensibilités artistiques chez certains, ou une attirance pour les sujets qui font travailler l'imagination, qui sont bien souvent des moyens de fuir le désordre intérieur.
Quand on observe un large panel de "HPI", on constate qu’il n’y a pas d’individus solitaires ou dépressifs, ni même dotés d’un plus grand sens de la justice que la moyenne. Un des mythes est de penser que les enfants "HPI" ont plus de difficultés scolaires que les autres. Ce n’est pas un fait avéré. On a aussi tendance à faire un amalgame entre le "HPI" et l’autiste. Il n’y a pas non plus de lien à faire entre le "HPI" et les troubles de l’attention chez l’enfant ; aucune corrélation. Encore un mythe.
Pouvons-nous tout de même s’accorder pour dire qu’il y a bel et bien des traits de caractère similaires entre ces "hauts potentiels intellectuels" ? Eh bien il y a effectivement une tendance cognitive prononcée pour la précocité de l’apprentissage dans la lecture et l’utilisation du langage. On peut aussi distinguer une certaine qualité de réflexion et de compréhension sur des sujets complexes.
Mais cela n’en fait pas une généralité car on trouve aussi des "HPI" normalisés, qui se fondent dans le décor sans manifester d’aspérités particulières. On peut cependant dire que les "HPI" ont besoin d’être stimulés et challengés, faute de quoi l’ennui s’installe. Mais n’est-ce pas le cas de toutes celles et ceux qui aiment ce qu’ils font ?
On peut observer tous ces parents espérant voir en leur progéniture des traces d’intelligence hors normes. Chez certains, c’est leur façon de se voir eux-mêmes hors normes n’est-ce pas ? Et puis chercher le diagnostic à tout prix n’est pas une bonne idée. Cela stigmatise l’enfant et l'enferme dans une sorte de pathologie "à soigner", d’une part, et cela donne beaucoup trop d’importance à l’enfant, à son ego. Cela a pour effet de le rendre capricieux.
C’est le syndrome de l’enfant roi. Cela est contre-productif au final. On se justifie d’une étiquette pour pouvoir expliquer une souffrance, un désordre. Mais tout dérèglement dans la construction du jeune être en devenir n’en fait pas pour autant un "haut potentiel intellectuel" voyez-vous ? On a parfois l’impression que les parents espèrent que leur enfant sera diagnostiqué de la sorte. C’est une autre manière de se sentir uniques dans une société devenue totalement nombrilisme et égocentrée. Cette stigmatisation à outrance permet de justifier la fragilité émotionnelle. Alors on se résigne tel un condamné à mort. Ceci expliquant cela.
Cela ne veut pas dire pour autant que les parents n'ont un rôle important dans l’attention portée à l’enfant. Mais cela s’applique à tous. En étant proche, dans l’observation quotidienne, il se peut que l’enfant soit en avance pour son âge. Il faut alors encourager le saut de classe, naturellement. Mais se faire tester et avoir un verdict peut contribuer à fragiliser un enfant qui se cherche.
Chez un adulte, être diagnostiqué "HPI" peut contribuer à comprendre le comment du pourquoi, sans pour autant apporter de solution miracles. Les explications sont une chose, comprendre et dépasser son mal-être en est une autre. Pas de vaccin miracle. Le bon sens doit guider la démarche et non la fuite en avant. Attendre d’un test qu’il nous confirme être « HPI » peut s’avérer néfaste si le résultat est négatif. On se voyait plus intelligent qu’on ne l’est réellement. Alors c’est la douche froide. L’ego en prend un coup. La dépression peut en résulter.
Il faut donc bien cerner les motivations personnelles derrière cette quête de reconnaissance. Faute de quoi les effets peuvent être contre-productifs.