L’accompagnement individuel et la gestion du stress en milieu professionnel sont des activités fleurissantes de conseil. Il s’agit d’adapter l’individu à l’entreprise et ce, à grands coups de méthodes d’inspirations américaines. Faire en sorte qu’il soit plus productif et mieux adapté aux injonctions à être un centre de profit et une entité qui rapportent semble être la profession des consultants qui a le vent en poupe. Mais faire s'adapter un individu à la religion corporate du "tous ensemble pour un monde meilleur" ne fait pas d'une personne un sujet épanoui. À défaut d’avoir une existence propre, il se conforme à un modèle auquel il ne croit pas, pour tenter de donner du sens à une existence qui n’en a plus. On fait tenir l'illusion durant quelques années jusqu’au burn-out, puis on décide de changer de vie.
Les plus chanceux comprennent qu’ils ont perdu quelques précieuses années de leur existence, passant ainsi à côté de l’éducation des enfants et de la construction d’une vie familiale harmonieuse. Le tout au péril de sa santé mentale et physique. Quant aux autres, eh bien l’ambition est telle qu’ils font abstraction de l’essentiel pour ne se consacrer qu’à leur devenir et leur petite carrière à manager. Ce sont en général des individus ego centrés, conflictuels et avides d'autorité. L'exercice du pouvoir et la violence des mots et des interactions ne font que susciter la plus grande détresse chez tous ceux qui doivent subir leurs humeurs capricieuses. L’ambition rime bien souvent avec despotisme, car œuvrer pour soi-même se fait souvent au détriment des autres. On troque la générosité et l’entraide pour le schéma personnel égoïste, pour faire avancer sa carrière, son statut et son image.
Et puis une décennie plus tard c’est l’hécatombe. L’édifice est fissuré de partout. Le bateau prend l’eau et ce n’est qu'une question de temps avant que toute la structure ne se retrouve au fond de l’océan. On se traîne alors dans les simulacres. On a de plus en plus de mal à prétendre que tout va bien, et se lever le matin pour affronter la désillusion relève du parcours du combattant. On est à bout de souffle, vidé, usé, lessivé, nu comme un ver. On a trop donné dans les contradictions., et il est grand temps de quitter les lieux, de prendre un bon chèque au passage et de se refaire une santé ailleurs que dans la métropole.
On privilégie alors le vert et la reconnexion à la nature, loin du bruit, de la pollution et de l'aberration de la grande ville. On entame une reconversion à semer des carottes ou à contribuer au développement d’une coopérative équitable de femmes au fin fond du Maroc. La quête de sens motivant la démarche. On a soudain le sentiment d’être passé à côté de sa vie. Il y a de l’amertume et de la colère qu’il faudra panser pour retrouver un semblant d’équilibre émotionnel.
La santé et l’épanouissement ne sont pas du fait de l’adaptation professionnelle. Vivre une existence épanouie dans laquelle règne l’ordre et la vertu hors des conflits et des peurs ne peut se résumer au schéma traditionnel de réussite professionnelle. On doit prendre du recul et avoir une vue globale de son existence.
Vivre sainement veut dire faire ce que l’on dit sans se compromettre. Pour cela, il est important de comprendre la structure de la pensée, de ses schémas, et d’identifier les peurs. Il est impératif de comprendre quel est ce besoin de constamment courir après le pouvoir, l'ambition et la sécurité. Car observer ce qu'est l'ambition, la nature conflictuelle de nos relations et le besoin de dominer par la violence inhérente sont les premiers pas vers l'intelligence et la libération.